Un nouveau souffle pour le droit des entreprises en difficulté ?

C’est l’ambition du gouvernement qui réalise par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 une nouvelle réforme.  La volonté du gouvernement est de simplifier et de rendre plus efficace le droit des entreprises en difficulté. Le résultat sera-t-il atteint ? Ce  n’est pas certain. En effet, avec la démultiplication de variantes de procédures existantes, comme la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée instituée à côté de la sauvegarde financière accélérée, ou encore comme la nouvelle procédure de rétablissement professionnel qui s’ajoute à la liquidation judiciaire de droit commun et à la liquidation judiciaire simplifiée, il n’est pas sûr que les chefs d’entreprises y voient une simplification mais plutôt une source de confusion supplémentaire.

Certes, au titre des points positifs de la réforme, il faut remarquer que l’effort a une nouvelle fois porté sur la prévention avec plusieurs innovations concernant le mandat ad hoc et surtout la conciliation, notamment avec la possibilité d’organiser la cession partielle ou totale de l’entreprise en conciliation.

A cet égard, il convient de relever la coïncidence des calendriers, l’ordonnance ayant été adoptée le même jour que la Recommandation de la Commission européenne relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (Recommandation n° 2014/135/UE du 12 mars 2014, JOUE du 14 mars 2014, L. 74/65) qui préconise l’adoption par les Etats membres de procédures favorisant la négociation de plans de restructuration. La réforme s’inscrit ainsi parfaitement dans le sens de l’histoire européenne du droit de la défaillance d’entreprises.

A lire : Revue des procédures collectives, mars-avril 2014, p. 34 et s.,  dossier consacré à la réforme : « 2014 : un nouveau souffle pour les procédures collectives ».

Avec les articles de :

Patrick ROSSI, Les grands axes de l’ordonnance du 12 mars 2014

Christophe DELATTRE, Éric ÉTIENNE-MARTIN, Prévention : le mandat ad hoc et la conciliation plus efficaces et plus accessibles ?

Bernard SAINTOURENS, Ouverture des procédures : mise aux normes constitutionnelles et nouveautés procédurales

Corinne SAINT-ALARY-HOUIN, De la procédure de sauvegarde financière accélérée à la procédure de sauvegarde accélérée : de la SFA à la PSA !

François LEGRAND, Marie-Noëlle LEGRAND, Marie-Hélène MONSÈRIÉ-BON, Qu’est-ce qui change pour les partenaires de l’entreprise en difficulté ?

Jean-Jacques FRAIMOUT, Des plans plus attractifs pour les créanciers ?

Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND, Les plans : quelle place pour les actionnaires ?

Geoffroy BERTHELOT, Les aménagements de la liquidation judiciaire issus de l’ordonnance du 12 mars 2014

Florence REILLE, Une nouvelle procédure qui n’en est pas une : le rétablissement professionnel

Patrick CANET, Le rétablissement professionnel

David JACOTOT, Laurence FIN-LANGER,La naissance d’un droit social des entreprises en difficulté ?

Christine LEBEL, Le règlement amiable agricole réformé par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014

Entreprises en difficulté : bientôt la réforme !

La loi d’habilitation du 2 janvier 2014 l’a prévu dans son article 2, le droit des entreprises en difficulté sera réformé en 2014. Bien que le gouvernement dispose de neuf mois en application de la loi d’habilitation pour prendre une ordonnance, celle-ci devrait être très rapidement présentée en Conseil des ministres. Un projet d’ordonnance a ainsi déjà fait l’objet d’une consultation à la fin du mois de décembre 2013. On y remarque notamment que les modifications affectant la prévention et règlement amiable des difficultés. Ainsi, en conciliation, le tribunal ou son président, selon les cas, se voit reconnaître la possibilité de désigner, à la demande du débiteur, le conciliateur comme mandataire à l’exécution de l’accord homologué ou simplement constaté. On relève aussi que l’article L. 611-7 modifié permettrait de charger le conciliateur, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, « d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise », sans que pour autant, le cadre juridique de cette cession ne soit précisé.

Au-delà, on constate qu’il est projeté d’instituer deux nouvelles sous-procédure : d’une part, une procédure de sauvegarde anticipée qui viendrait en complément de la sauvegarde financière anticipée et concernerait l’ensemble des créanciers, avec dans les deux car le passage obligé par la conciliation ; d’autre part, une procédure de rétablissement personnel sans liquidation après enquête qui ne concernerait que les débiteurs, personnes physiques, exerçant sans aucun salarié et ayant un actif très faible (le plafond devant être fixé par décret)  dont la clôture de cette entraînerait l’effacement des dettes du débiteur à l’égard des créanciers soumis à l’obligation de déclarer leurs créances.

À propos de clôture, on remarque que le projet d’ordonnance modifie l’article 1844-7, 7°, du Code civil de façon à ce que la dissolution de la société en liquidation judiciaire n’intervienne plus lors du prononcé du jugement mais seulement à la clôture de la liquidation judiciaire  pour insuffisance d’actif.  Pour d’autres commentaires sur le projet d’ordonnance, voir le « Repère » de la Revue des procédures collective janvier-février 2014.

Action en responsabilité pour insuffisance d’actif dans le cadre d’une procédure secondaire : c’est possible !

Par un jugement du 24 octobre 2013 dans l’affaire ALKOR, le Tribunal de commerce de Nanterre apporte des précisions importantes sur les actions que peut exercer le syndic d’une procédure secondaire ouverte en France. La portée de ce jugement est d’autant plus intéressante que l’on pouvait s’interroger sur les possibilités laissées au syndic de la procédure secondaire d’exercer des actions en responsabilité contre les dirigeants d’une société après l’arrêt NOB du 22 janvier 2013 de la Cour de cassation (Cass. com. 22 janvier 2013, n° 11-17.968).

Dans cette affaire, le 20 juin 2011, une procédure principale avait été ouverte en Allemagne contre la société Alkor et, le 8 juillet 2011, une procédure secondaire de liquidation judiciaire a été ouverte par le Tribunal de commerce de Nanterre, à la demande du liquidateur allemande, la société disposant en France de deux établissements industriels. Dans le cadre de la procédure secondaire de liquidation judiciaire, le liquidateur français exerça devant le tribunal de Nanterre une action en responsabilité  pour insuffisance d’actif à l’encontre des dirigeants de la société Alkor.

Le tribunal estime que le liquidateur de la procédure secondaire a le pouvoir d’exercer des actions en responsabilité ou des actions révocatoires. Le tribunal s’estime aussi compétent pour statuer sur de telles actions.

Ce jugement mérite approbation car il n’existe dans le règlement n° 1346/2000 aucune exclusion à raison de la nature de l’action engagée par le syndic de la procédure secondaire. Cette procédure secondaire qui, en France, ne saurait être dans le droit en vigueur qu’une procédure de liquidation judiciaire en vertu de l’annexe B du règlement n° 1346/2000 est une liquidation judiciaire de plein exercice et certainement pas une liquidation judiciaire dans laquelle le liquidateur aurait des pouvoirs diminués. La seule limite est qu’en principe elle n’a pas de vocation extraterritoriale et ne peut pas concerner des biens situés sur le territoire d’autres Etats membres. La solution contraire qui consisterait à limiter l’étendue des pouvoirs du syndic de la procédure secondaire, notamment en lui interdisant d’exercer des actions en responsabilité, serait inopportune car elle conduirait à l’impunité des dirigeants chaque fois qu’une telle responsabilité n’existerait pas dans le droit de l’Etat de la procédure principale.

Une banque n’est pas libérée en cas de paiement d’un créancier du débiteur soumis à une procédure d’insolvabilité

Dans un arrêt du 19 septembre 2013 (C-251/12), la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’article 24 du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d’insolvabilité ne permettait pas à une banque établie sur le territoire d’un autre Etat membre ayant fait, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, un paiement  à un créancier du débiteur soumis à cette procédure d’insolvabilité, d’être libérée à l’égard du syndic de la procédure. Si l’interprétation retenue est cohérente dans la mesure où elle est dissuasive de toute manipulation frauduleuse, est moins convaincante la déduction de la Cour selon laquelle d’une part, cette solution n’entraîne pas, en elle-même, l’obligation pour la banque en cause de restituer la somme litigieuse à la procédure, et d’autre part, la question de la responsabilité éventuelle de la banque est régie par la loi nationale applicable.

Du nouveau pour la coordination des procédures d’insolvabilité affectant les groupes de sociétés ?

Dans son projet de rapport du 9 septembre 2013 sur la proposition de règlement modificatif du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d’insolvabilité, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen fait plusieurs recommandations

Retient notamment l’attention, la recommandation visant à l’ouverture de procédures de coordination collective (Amendement 53 du projet de rapport proposant un nouvel article 42 quinquies bis), à la demande d’un syndic (le projet de rapport utilisant l’expression « représentant de l’insolvabilité »), par une juridiction de l’Etat membre où se situent la ou les sociétés qui « exercent des fonctions essentielles au sein du groupe » (Amendement 53 du projet de rapport proposant un nouvel article 42 quinquies bis).

Le projet de rapport ajoute que lorsque plusieurs juridictions sont saisies d’une demande d’ouverture d’une procédure de coordination collective, c’est celle de l’Etat membre « où les fonctions les plus essentielles du groupe sont exécutées ». Cependant, si ces fonctions les plus essentielles n’étaient pas déterminables, la juridiction saisie en premier serait compétente (Amendement 53 du projet de rapport proposant un nouvel article 42 quinquies bis).

Selon le projet de rapport, la procédure de coordination collective ainsi ouverte conduit à la désignation d’un coordinateur qui est indépendant par rapport aux sociétés débitrices et à leurs créanciers et se trouve notamment investi de la mission de proposer un programme permettant de redresser la situation économique et financière de l’ensemble des sociétés du groupe (Amendement 54 du projet de rapport proposant un nouvel article 42 quinquies ter) qui doit être approuvé par la juridiction ayant ouvert la procédure de coordination collective (Amendement 55 du projet de rapport proposant un nouvel article 42 quinquies quater).

Cette proposition est intéressante même si, en pratique, elle risquerait de se heurter à beaucoup d’obstacles.

Un droit national des groupes de sociétés est conforme à l’article 49 TFUE même s’il ne s’applique pas aux sociétés mères étrangères

Le droit portugais des groupes de sociétés a fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 20 juin 2013, C‑186/12, aff. Impacto Azul Lda c/Bouygues Immobilier SA) relatif à sa conformité avec la liberté d’établissement consacrée par l’article 49 TFUE. Le code des sociétés commerciales portugais prévoit effectivement qu’en cas de contrôle total d’une société sur une autre « la société mère prend en charge les obligations de la filiale ». Continuer la lecture

La Cour de cassation reconnaît aux contrôleurs qualité pour agir en extension de procédure

Par un important avis en date du 3 juin 2013 (demande d’avis n° J 13-70.003), la Cour de cassation, interrogée par le Tribunal de commerce de Paris sur la portée de l’article L. 622-20 du Code de commerce, estime que cet article confère au créancier qui a été nommé contrôleur, qualité pour agir en extension d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire en cas de confusion des patrimoines ou de fictivité de la personne morale. On lira avec intérêt les conclusions de l’avocat général, Mme Régine Bonhomme, à la Revue des procédures collective, juillet-août 2013, Etude 18.