Le délai de distance qui permet, selon l’article 643 du Code de procédure civile, à une personne demeurant à l’étranger de bénéficier d’un délai supplémentaire de deux mois par rapport au délai de droit commun s’applique-t-il à la convocation devant la Commission des sanctions de l’AMF ? C’est la question de droit qui a été soumise à la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 mai 2017 (n° 15-10899). L’enjeu est important car les délais de comparution propres à la Commission des sanction, prévus par l’article R. 624-39, III du Code monétaire et financier ne sont guère généreux. En effet, si cet article prévoit que « la personne mise en cause est convoquée devant la commission des sanctions ou la section (…) dans un délai qui ne peut être inférieur à 30 jours francs », il précise que celle-ci ne dispose que « d’un délai de 15 jours francs pour faire connaître par écrit ses observations sur le rapport ». Or, dans le cas où la personne demeurant à l’étranger est dans l’obligation de faire procéder à la traduction du rapport de la Commission des sanctions, le délai de 15 jours paraît bien court et l’application du délai de distance pourrait se révéler extrêmement précieuse pour lui permettre de faire valoir ses arguments dans de meilleures conditions.
Dans l’espèce en cause, la Commission des sanctions de l’AMF avait prononcé dans une décision du 5 juin 2013 des sanctions pécuniaires à l’encontre de l’actionnaire de référence de la société Lado qui détenait plus de 37% des titres de la société ADT, devenue Foncière Paris Nord, cotée sur le compartiment C d’Eurolist Paris. L’actionnaire de référence de la société Lado détenait par ailleurs directement 0,06% de la société Foncière Paris Nord dont il était aussi membre du conseil d’administration. La Commission des sanctions lui reprochait d’avoir cédé sur une période de six mois la plus grande partie des actions de la société Foncière Paris Nord qu’il détenait par l’intermédiaire de la société Lado, en profitant d’une information privilégiée relative au départ d’un des principaux locataires des bureaux de la société cotée conduisant à la diminution de 25% de son chiffre d’affaires et corrélativement à l’augmentation du taux de vacance.
La Cour de cassation considère d’une part, que dans l’article R. 621-39, III du Code monétaire et financier « aucune modalité particulière n’est prévue pour la convocation des résidents étrangers » et d’autre part, que « la procédure de sanction devant l’AMF est régie par les dispositions spécifiques du code monétaire et financier et n’est pas soumise aux règles du code de procédure civile », l’actionnaire mis en cause soulevait pas moins de six moyens de cassation dont la violation de l’article 643 précité.
Cette décision soulève une certaine frustration car la Cour de cassation ne justifie pas pourquoi, au regard des modalités de convocation devant la Commission de sanctions de l’AMF, les dispositions du Code monétaire et financier écartent avec autant d’évidence l’application de l’article 643 du Code de procédure civile. En réalité, la justification de la décision de la Cour de cassation ne trouve pas son fondement dans les dispositions du Code monétaire et financier relatives à la convocation devant la Commission des sanctions qui ne dérogent pas expressément au délai de distance prévu par l’article 643 du Code de procédure civile. La solution est fondée, certes implicitement mais nécessairement, sur la nature juridique de la Commission des sanctions de l’AMF qui n’est pas qualifiée de juridiction « au regard du droit interne ». Or l’article 643 ne s’applique que si « la demande est portée devant une juridiction… ».