Qui est l’agriculteur au sens de Livre VI du Code de commerce ?

Par une décision n° 2017-626 QPC du 28 avril 2017, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution la deuxième phrase de l’article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime qui précise, dans sa formulation issue de l’ordonnance du 12 mars 2014 (le Conseil constitutionnel ayant été saisie de la conformité de la formulation antérieure, ce qui ne change rien) que pour l’application du Livre VI du Code de commerce « est considéré comme agriculteur, toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l’article L. 311-1 » du même code.

Le QPC transmise par la Cour de cassation émanait d’une société dénommée « La Noé père et fils » qui estimait qu’en limitant la qualité d’agriculteur aux seules personnes physiques, les dispositions de l’article L. 351-8 du Code rural et de la pêche combinées avec celles de l’article L. 626-12 du code de commerce, instituaient une différence de traitement injustifiée quant à la durée du plan de sauvegarde applicable aux agriculteurs entre les personnes physiques et les personnes morales et étaient donc contraires au principe d’égalité devant la loi. Effectivement, l’article L. 626-12 prévoit que par exception la durée du plan de sauvegarde peut être portée à quinze ans lorsque « le débiteur est un agriculteur », cette qualité ne pouvant être reconnue qu’aux personnes physiques selon l’article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime.

 

La question soulevée n’était pas dénuée de pertinence car on ne voit pas très bien ce qui justifie, aujourd’hui encore, de réserver la qualité d’agriculteur aux seules personnes physiques et d’en exclure les personnes morales alors même qu’elles exerceraient des activités agricoles au sens de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime.

 

Pour autant, le Conseil constitutionnel estime que le principe d’égalité consacré par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 n’est pas violé. Son raisonnement ne purge cependant pas le débat. En effet, il considère qu’en elle-même, la définition de l’article L. 351-8 du code précité ne crée aucune différence de traitement entre personne physique et personne morale et que, si une telle différence de traitement existait, elle ne pourrait résulter que de l’article L. 626-12 dont le Conseil n’était pas saisi de la conformité à la Constitution, la QPC ne visant que l’article L. 351-8. Par ce tour de passe-passe juridique, le Conseil constitutionnel tape donc en touche. C’est regrettable et ce d’autant plus que le raisonnement du Conseil constitutionnel parait confondre les causes et les conséquences. En effet, l’origine de l’inégalité de traitement se situe non dans l’article L. 626-12 qui ne fait que tirer les conséquences de la définition de l’agriculteur mais bien à l’article L. 351-8 qui, par l’attribution de la qualité d’agriculteur aux seules personnes physiques, traite différemment, en fonction de leur nature juridique, des personnes exerçant la même activité agricole. Ainsi, les personnes physiques et morales étant dans la même situation au regard de l’activité agricole exercée, on n’aperçoit pas ce qui justifie un traitement différent. Comme on ne voit pas non plus quelles sont les raisons d’intérêt général qui justifieraient cette dérogation. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas, en réalité, voulu entrer dans la discussion juridique. Espérons que le Législateur qui peut désormais seul remédier à cette inégalité soit moins frileux.