Les relations entre d’une part les procédures collectives, particulièrement la liquidation judiciaire, et d’autre part l’arbitrage sont plus complexes demeurent complexes. Certes, de l’eau jurisprudentielle a coulé sous les ponts et il n’est plus soutenu que la matière des procédures collectives serait globalement inarbitrable en raison de son caractère d’ordre public. A cet égard, plusieurs décisions de la Cour de cassation rendues en 2015 dans le cadre de liquidations judiciaires apportent des éclairages utiles sur le problème spécifique de l’opposabilité des clauses compromissoire au liquidateur judiciaire. Ainsi, dans un arrêt du 1er avril 2015 (n° 14-14.552, Procédures n° 6/ 2015, comm. 195, obs. L. Weiller ; JCP E 2015, 1273, note C. Lebel), la première Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque le « liquidateur use de la faculté de poursuivre l’exécution d’un contrat. Celle-ci s’accompagne de tous les droits et obligations qui s’y rattachent, ce qui implique l’observation de la clause compromissoire qui y est stipulée ». La Chambre commerciale de la Cour de cassation, de son côté, a estimé dans un arrêt du 17 novembre 2015 (n° 14-16012, APC n° 20/2015, alerte 319, obs. L. Fin-Langer) que « le liquidateur qui demande, à titre principal, la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1, I, 2° du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de sorte qu’une clause compromissoire stipulée à l’acte litigieux est manifestement inapplicable au litige ». Ce dernier arrêt est d’autant plus intéressant que la Chambre commercial procède par substitution de motif de pur droit approuvant ainsi le sens mais non le fondement de la solution de la cour d’appel dont la décision reposait sur l’article R. 662-3 du Code de commerce duquel cette dernière déduisait la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective pour toutes les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles celle-ci a une influence juridique. Or par cette référence aux « contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence » (voir par exemple, Cass. com., 8 juin 1993 : JurisData n° 1993-001256 ; Bull. civ. 1993, IV, n° 233), la cour d’appel se situait dans le droit fil de la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation qui distinguait entre les litiges liés à l’ouverture de la procédure collective, considérés comme inarbitrables, et ceux qui avaient leur cause “dans des faits ou dans des contrats antérieurs à la faillite et se serait produit de la même façon en dehors d’elle”(Cass. civ., 26 avr. 1906 : D. 1907, I, p. 25, note Valéry) et étaient donc arbitrables (sur cette distinction, voir E. Loquin, juris-cl. Procédure civile, fasc. 1024, n° 54 et s.). Ainsi, il ressort des deux arrêts précités rendus en 2015 que la Cour de cassation a fait évoluer le critère de distinction. Lorsque le liquidateur agit au nom du débiteur dessaisi et se substitue à lui, les engagements souscrits par le débiteur avant l’ouverture de la liquidation judiciaire, au rang desquels peut figurer une clause compromissoire, lui sont opposables car il se substitue à une partie contractante. On trouve déjà très exactement en ce sens, relativement à une action en nullité pour dol, un arrêt de la première Chambre civile du 29 janvier 2014 (n° 12-29.104, Procédures n° 5, Mai 2014, comm. 145, obs. L. Weiller). En revanche, lorsque le liquidateur judiciaire agit dans l’intérêt collectif des créanciers, comme il le fait dans le cadre d’une action en nullité de la période suspecte, il ne se substitue pas à une partie contractante. Dans une telle situation, il est donc un tiers au contrat en cause et en application du principe de l’effet relatif du contrat, les clauses contractuelles, parmi lesquelles la clause compromissoire, ne lui sont pas opposables (déjà dans en ce sens Cass. com., 14 janv. 2004, Rev. arb. 2004, p. 592, note P. Ancel). Ce nouveau critère de distinction peut conduire dans certains cas à des solutions différentes de celles résultant du critère antérieur, par exemple pour l’action en responsabilité exercée dans l’intérêt collectif des créanciers qui ne naitrait pas de l’ouverture de la procédure collective ou sur laquelle celle-ci n’aurait pas d’influence juridique (en ce sens L. Fin-Langer, obs. précitées sous Cass. com. 17 novembre 2015). Cette évolution du critère de distinction est à approuver car même si la notion d’intérêt collectif n’est pas sans critique (voir F. Pérochon, Entreprises en difficultés : LGDJ, 9e éd., n° 512 et s.), ce nouveau critère permet de distinguer plus précisément les situations juridiques dans lesquelles la clause compromissoire est opposable au liquidateur judiciaire et celles où elle ne l’est pas.