La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de se prononcer dans cette affaires (CJUE, 3ème ch., 7 avril 2016, aff. C-483/14) pour la première fois directement sur la directive 2005/56/CE du 26 octobre 2005 relative aux fusions transfrontalières de sociétés de capitaux. Dans l’espèce à l’origine de la question préjudicielle, un prêteur demandait le paiement des intérêts d’emprunts subordonnés auprès de la société Ka Finanz en tant que société absorbante de la société emprunteuse. Cette dernière contestait que les obligations résultant de ces emprunts lui aient été transmises et prétendait que ces emprunts qui présentaient le caractère de fonds propres et constituaient des titres participatifs au sens de la loi allemande, avait en outre perdu toute valeur du fait de la disparition totale des fonds propres de la société absorbée. La décision de la Cour de justice porte sur plusieurs points cruciaux : la loi applicable à la protection des créanciers, les effets de la fusion sur les contrats conclus avant celle-ci par la société absorbée et enfin, la distinction entre les titres visés à l’article 15 de la directive 78/855 et les autres titres de créances. La Cour de justice fait une interprétation très orthodoxe des dispositions de la directive sur ces tous ces points. Selon la Cour, l’extension aux fusions transfrontalières des règles des fusions internes s’applique pleinement à la protection des créanciers comme le rappelle la Cour de justice de l’Union européenne en affirmant : « il découle du considérant 3 et de l’article 4 de la directive 2005/56/CE qu’une société participant à une fusion transfrontalière reste soumise, en ce qui concerne notamment la protection de ses créanciers, aux dispositions et aux formalités de la législation nationale qui serait applicable dans le cadre d’une fusion nationale » (point 60). Elle en déduit que les règles garantissant la protection des créanciers de la société absorbée sont, même après la fusion, « celles de la législation nationale dont relevait cette société » (point 61). On sait effectivement que cette extension aux fusions transfrontalières des règles applicables aux fusions internes est à la base même de la méthode de la directive 2005/56/CE qui, pour surmonter les obstacles ayant longtemps entravé les fusions transfrontalière, réalise une combinaison habile entre d’une part, une application à chacune des sociétés participant à l’opération de sa propre loi nationale pour toutes les modalités qui peuvent être réalisées distinctement et d’autre part, de règles matérielles européennes (voir M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, précis Domat, LGDJ, 4ème éd. octobre 2016, n° 326 et s.). S’agissant des effets de la fusion transfrontalière, ce sont les mêmes que ceux prévus pour les opérations internes par la directive no 78/855/CEE, remplacée, depuis le 1er juilllet 2011, par la directive 2011/35/UE, à savoir principalement, le transfert universel du patrimoine dont la Cour de justice avait déduit dans un arrêt antérieur du 5 mars 2015 (n° C-343/13, Rev. soc. 2015, p. 677, note B. Lecourt ; D. 2015, p. 1506, obs. C. Mascala ; Bull. Joly 2015, p. 200, note A. Couret ; Dr. Sociétés 2015, n° 89, obs. M. Roussille. Voir aussi H. Le Nabasque, Personnalité des délits et des peines et fusions, Bull. Joly 2015, p. 393) la transmission, à la société absorbante, de l’obligation de payer une amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions au droit du travail commises par la société absorbée avant ladite fusion. Dans l’arrêt KA Finanz, elle en déduit tout aussi logiquement que la fusion « entraîne, sans novation, la substitution de la société absorbante à la société absorbée comme partie à l’ensemble des contrats conclus par cette dernière » (point 58), pour en conclure que la loi applicable, à la suite d’une fusion par absorption transfrontalière, à l’interprétation, à l’exécution des obligations ainsi qu’aux modes d’extinction d’un contrat d’emprunt, tel que les contrats d’emprunt en cause au principal, conclu par la société absorbée, est celle qui était applicable à ce contrat avant cette fusion ». Enfin, en ce qui concerne la notion de titres au porteur visé par l’article 15 de la directive 78/855, la Cour considère que ce sont « ceux qui confèrent à leurs porteurs des droits plus étendus qu’un simple remboursement des créances et des intérêts convenus » (point 66). Elle relève que ce ne parait pas être le cas des titres en cause mais que si la juridiction nationale jugeait le contraire, il convient d’interpréter ledit article 15 comme conférant « des droits aux porteurs de titres, autres que des actions, auxquels sont attachés des droits spéciaux, mais non à l’émettrice de tels titres ».