La période que la France, comme une bonne partie du monde, a traversé entre le 16 mars et le 11 mai 2020 est, sans aucun doute, historique à bien des égards et, particulièrement, du point de vue économique puisqu’elle a conduit, sinon à un quasi arrêt, à tout le moins, à une décélération foudroyante de l’activité économique nationale qui est entrée dans une sorte d’hibernation à l’occasion des Ides de mars dont on sait depuis l’Antiquité qu’elles peuvent être funestes.
Si un indicateur est pertinent pour mesurer cette décélération, c’est bien celui du nombre d’immatriculations d’entreprises au registre du commerce et des sociétés dont il ressort du flash Covid-19 en date du 11 mai 2020 du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, qu’avec 27 068 immatriculations, ce nombre a diminué sur la période du 16 mars au 30 avril 2020 de 54,3% par rapport à la même période de l’année 2019.
Un autre indicateur, pertinent quant à lui pour mesurer la diminution de l’activité judiciaire, est celui du nombre de procédures collectives ouvertes pendant la même période du 16 mars au 30 avril 2020. Ainsi, il ressort du document précité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, qu’avec seulement 1427 procédures collectives (donc hors mandat ad hoc et conciliation) ouvertes pendant ladite période, ce nombre est en diminution de 72,8% par rapport à la même période de l’année 2019.
La raison de cette véritable chute libre des ouvertures de procédures collectives est à rechercher non dans une submersion des tribunaux de commerce incapable de faire face à l’afflux massif de saisines par les entrepreneurs mais dans le fait que ces derniers ont été jusqu’à présent soutenus par les mesures gouvernementales diverses permettant, notamment, le chômage partiel, le report (voire, pour certaines entreprises, l’exonération) des charges sociales, ou encore l’octroi de prêts garantis par l’Etat ou le versement de fonds au titre de la solidarité et ce, sans négliger l’effet de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette période qui a prorogé les délais contractuels jusqu’à la fin de la période d’urgence sanitaire. Si l’on ajoute les pressions gouvernementales sur les bailleurs pour que soient reportés les échéances des baux, les entreprises ont ainsi été placées provisoirement sous assistance respiratoire et à l’abri des poursuites de la plupart de leurs créanciers.
Du côté procédural, c’est plutôt la bonne surprise de cette période exceptionnelle. En effet, en osant sortir des sentiers battus procéduraux, l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et la circulaire du 26 mars 2020 ont permis de doter les juridictions, au rang desquelles les juridictions consulaires, du matériau procédural nécessaire pour qu’elles puissent assurer leur mission de service public. Ainsi, des pratiques originales ont pu être mises en place telles que, par exemple, l’envoi des demandes d’ouverture d’un mandat ad hoc, d’une conciliation ainsi que d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel, selon les cas, au Président du tribunal ou au tribunal, par voie électronique ou encore l’examen de ces demandes sans audience ou avec des audiences en audio ou visioconférence.
Or, même si, finalement, ces juridictions ont rencontré, pendant cette période, moins de demandes d’ouverture de procédures amiables ou collectives qu’en période normale, il pourrait être pertinent de pérenniser, pour la période postérieure au 11 mai 2020 qui sera, à n’en pas douter, chargée en demandes d’ouverture de procédures amiables ou collectives, certaines des pratiques permises à titre provisoire en triant le bon grain de l’ivraie. Ainsi, de cette période funeste résulterait, au moins, une adaptation de la procédure aux techniques du 21ème siècle, rendant ainsi hommage au vieux proverbe selon lequel à quelque chose malheur est bon.