Coup d’accélérateur sur la mobilité des sociétés en Europe

La construction du droit européen des sociétés a connu un important coup d’accélérateur avec la publication le 25 avril 2018 d’un « pack » de propositions de directive modificatives de la directive n° 2017/1132/UE du 14 juin 2017. Une proposition de directive (Prop. dir. PE et Cons. UE, 24 avr. 2018, COM (2018) 241 final) concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières alors qu’une autre proposition de directive (Prop. dir. PE et Cons. UE, 24 avr. 2018, COM (2018) 239 final) concerne l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés. La proposition de directive portant la référence COM (2018) 241 final harmonise la mobilité transfrontalière des sociétés de capitaux, sous toutes ses formes : transformation (qui désigne le transfert de siège social), fusion ou scission transfrontalières. Elle se situe dans le double sillage des textes sur la société européenne (règlement n° 2157/2001 du 8 octobre 2001 portant statut de la SE et directive 2001/86/CE du 8 octobre 2001 complétant le règlement n° 2157/2001 sur l’implication des travailleurs) et de la directive n° 2005/56/CE du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux, recodifiée par la directive n° 2017/1132/UE. Elle institue un droit harmonisé de la mobilité transfrontalière concrétisé par un corps de règles communes à toutes les modalités de mobilité pour le processus décisionnel ainsi que la protection des « parties prenantes » que sont les associés minoritaires, les créanciers et les salariés, sous réserve de la procédure « d’appréciation approfondie » autorisant des investigations étendues en cas de « suspicion réelle de fraude » qui est prévue pour les transformations et scissions transfrontalières mais pas pour les fusions transfrontalières, sans réelle justification. Cette proposition de directive réalise ainsi une avancée juridique majeure que la pratique attendait depuis longtemps en faveur tant du transfert de siège d’un État membre vers un autre, qualifié de transformation transfrontalière (voir M. Menjucq, « Les transformations transfrontalières », BJS juill. 2018, p. 450), que de la scission transfrontalière (voir T. Mastrullo, « Les scissions transfrontalières », BJS juill. 2018, p. 456). Elle modifie aussi les dispositions régissant les fusions transfrontalières, afin de rapprocher le régime des fusions transfrontalières de celui proposé pour les transformations et les scissions transfrontalières (voir E. Schlumberger, « Les fusions transfrontalières », BJS juill. 2018, p. 463). La proposition de directive portant la référence COM (2018) 239 final harmonise, quant à elle, l’utilisation des outils et processus numériques se rapportant à l’immatriculation et à la publicité des sociétés et des opérations sociétaires sur les registres nationaux (K. Luciano, « L’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés », BJS juill. 2018, p. 470).Cette double initiative de la Commission européenne qui marque une étape importante de la modernisation du droit européen des sociétés ne peut, évidemment, qu’être applaudie et il faut souhaiter que le processus législatif européen, tout en apportant certaines corrections nécessaires, ne s’éternise pas.