La Cour de justice de l’Union européenne a étendu, dans un arrêt du 17 octobre 2017 (CJUE, gr. ch., 17 oct. 2017, aff. C-194/16 : JCP G 2017, 1293, note M. Laazouzi ; Procédures 2017, comm. 306, obs. C. Nourissat), aux personnes morales les solutions adoptées pour les personnes physiques en matière d’atteintes par Internet aux droits de la personnalité. Saisie de l’interprétation de l’article 7, 2 du règlement (UE) n° 1215/2012, du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles 1 bis », sur la compétence juridictionnelle et la reconnaissance des jugements étrangers, elle pose effectivement le principe que les juridictions compétentes pour statuer sur les recours en rectification ou en suppression d’informations diffusées sur Internet et sur la réparation de l’intégralité du préjudice sont celles de l’État membre du centre des intérêts de la personne morale. En l’espèce, une société de droit estonien avait fait l’objet d’une information, en langue suédoise, sur le site Internet d’une société de droit suédois, selon laquelle elle commettrait des fraudes et tromperies, suscitant sur le site en cause des commentaires très négatifs voire violents à l’encontre des salariés de la société estonienne. Cette dernière ainsi que l’une de ses salariés, invoquant un préjudice lié directement à ladite diffusion d’informations qu’elle estimait mensongères, demandait la correction des informations inexactes, la suppression des commentaires et l’attribution de dommages et intérêts. La question principale résidait dans la possibilité d’étendre aux personnes morales la jurisprudence relative à la compétence des juridictions en matière d’atteintes immatérielles aux personnes physiques, cette jurisprudence admettant que la victime personne physique dispose de la possibilité de saisir d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage les juridictions de l’État membre où se situe le centre de ses intérêts. L’incertitude régnait effectivement au sujet de l’existence même de droits de la personnalité des personnes morales d’une part, et d’un préjudice immatériel affectant les personnes morales d’autre part. Répondant sans ambages, la Cour de justice pose le principe que rien ne s’oppose à l’application aux personnes morales des solutions relatives à la compétence juridictionnelle adoptées pour les personnes physiques en matière d’atteintes aux droits de la personnalité. Elle en déduit donc que les juridictions de l’État membre du centre des intérêts de la personne morale sont compétentes pour juger des recours tendant à la rectification et à la suppression des informations dommageables. Dès lors, il lui restait à déterminer la notion de centre des intérêts des personnes morales, ce qu’elle fit en affirmant que pour les personnes morales, le critère du centre des intérêts s’identifie au centre principal de l’activité économique de la personne morale, la localisation du siège statutaire étant sans pertinence à cet égard. Ainsi, ce critère se distingue nettement du critère du centre des intérêts principaux énoncé par l’article 3 des règlements n° 1346/2000 et 2015/848 sur les procédures d’insolvabilité. Il est néanmoins opportun puisque c’est dans l’État membre où la personne morale exerce l’essentiel de son activité économique que l’effet des informations diffusées sur Internet est probablement le plus important. En conséquence, les juridictions de cet État sont les mieux placées pour apprécier le préjudice immatériel en résultant et, le cas échéant, ordonner une réparation appropriée de l’intégralité de ce préjudice.